C’est désormais en quatre actes que s’articule une mise en scène qui devrait aboutir à une détérioration majeure de nos conditions de retraite. Sauf épilogue non prévu au scénario...
Prologue: panique à bord
C’est à la n 2016 que le comité de la CPEG décide d’adapter à la baisse le taux technique, à savoir les prévisions de rendement des placements de la caisse. Du coup, le taux de couverture de la CPEG tombe à 57,4% de ses engagements envers les affiliés. C’est la panique.
Sachant que le chemin de croissance de la caisse exige un taux de couverture à 60% en 2020 pour que l’autorité de surveillance n’ordonne pas de mesures drastiques, le comité de la CPEG prend une première mesure choc. Il commence par relever de 64 à 65 ans l’âge de départ à la retraite, tout en annonçant un ultérieur train de mesures draconiennes. Les rentes s’en trouvent réduites de quelque 5%.
La décision provoque une vague de départs anticipés à la retraite et crée, la presse aidant, le sentiment d’une caisse au bord du gouffre.
Vint ensuite un preux chevalier…
Soucieux «des répercussions non seulement sur les assurés, mais aussi sur le tissu économique local» (Projet de loi CPEG, exposé des motifs), voilà que le gouvernement s’émeut des conséquences potentielles de l’application du train de mesures évoqué par le comité de la CPEG. Des retraites amputées de 15 à 20% – c’est l’impact qu’entraîneraient ces mesures, hausse de l’âge pivot comprise – auraient en effet des répercussions sérieuses sur l’économie genevoise: une part importante de la population faisant déjà aujourd’hui ses courses en France, que va-t-il se passer si on baisse le pouvoir d’achat de dizaines de milliers de futurs retraités?
De plus, comment garantir le recrutement de personnel si, en plus de SCORE qui ralentit la progression salariale, on ampute les pensions?
En sauveur de la république, avec son président dans le rôle du preux chevalier, voilà que le Conseil d’Etat crée la surprise: et si on recapitalisait d’un coup? «Peu importe le chemin de croissance prévu», semble dire le gouvernement – «et qu’on n’arrivera pas à respecter», ajoute-t-il, «réglons la chose une fois pour toutes!»
Sans revenir sur le projet (lire Services Publics no 16, 17 octobre 2017), rappelons que les contreparties exigées sont le passage de la CPEG en primauté des cotisations, la fin de la garantie d’Etat en cas de gros problème, la baisse de la cotisation patronale, l’augmentation de celle du personnel et, enfin, l’abandon de la retraite donnant droit à une rente pleine trois ans avant l’âge pour le personnel exerçant un travail pénible.
Trois: gare à vous!
Ces contreparties ne suscitent de loin pas l’enthousiasme du personnel et des syndicats. Un enthousiasme dont voudrait tant pouvoir se prévaloir le président du gouvernement, M. François Longchamp, afin de convaincre une majorité du parlement d’accepter un plan qui serait le «fruit de la concertation avec les syndicats».
Il manquerait encore que ce projet trouve le consentement des syndicats! C’est en échange de l’engagement solennel du gouvernement à ne pas toucher à ces quatre principes que la majorité du Cartel intersyndical avait, contre l’avis du SSP, accepté les conditions de la création de la CPEG! C’est là que le comité de la caisse reprend le rôle du méchant. Il menace, si un refinancement de la CPEG ne devait pas se faire avant le 30 juin, de mettre en œuvre le train de mesures aujourd’hui en suspens. Comme une guillotine prête à trancher dans le vif, celui-ci abaisserait l’objectif de rente de 60% à 54% du salaire assuré, réduirait les prestations d‘invalidité et reculerait de 60 à 65 ans l’âge donnant droit à une rente pour enfants à charge.
Et pourtant…
Sauf que l’alarmisme du comité de la CPEG est démenti par les faits. Non seulement la caisse s’est vu décerner un prix international pour sa «gestion avisée», mais elle réalise aussi des rendements supérieurs à la moyenne nationale des caisses de retraite, au point que son taux de couverture ne cesse de croître! Ce dernier était de 59,6% à la mi-septembre – contre 57,4% fin 2016. Il semblerait même que l’objectif de 60% de couverture, exigé pour 2020, soit désormais atteint, démentant ainsi les prévisions catastrophistes des magiciens du taux technique.
La tentation est donc forte, pour le comité de la CPEG, de prétexter de «nouvelles dégradations probables» pour relativiser les succès actuels et pousser à l’acceptation du chantage du Conseil d’Etat.
Un acteur inattendu
Si les élus du personnel au comité de la CPEG n’ont pas à se prêter à ce sordide jeu de rôle, il est temps pour le personnel de jouer le sien, de rôle, comme en 2015.
Un rôle dont MM. Longchamp et Dal Busco préféreraient ne pas devoir se souvenir, car sept jours de grève les avaient alors obligés à retirer les mesures structurelles qu’ils entendaient imposer...
Paolo Gilard, membre SSP Genève