Automne décisif pour les rentes

Des menaces planent les retraites de la fonction publique. Pour Albert Anor, président du SSP – Région Genève, la réponse doit combiner initiative populaire et mobilisation.

Photo Eric Roset

Le 8 juin, le comité de la Caisse de pension de l’Etat de Genève (CPEG) a confirmé sa décision de reculer l’âge pivot (64 à 65 ans, 61 à 62 ans pour les fonctions pénibles) donnant le droit à une retraite pleine. Cette mesure est-elle définitive ?

Albert Anor – Le relèvement de l’âge-pivot, auquel nous sommes opposés, devrait entrer en vigueur au début 2018. Il faudra donc cotiser une année de plus pour toucher une rente complète, ce qui implique une perte d’environ 5%. La seule manière de revenir en arrière, c’est de faire aboutir l’initiative lancée par l’Asloca et le Cartel intersyndical de la fonction publique (lire ci-contre).

D’autres mesures se profilent à l’horizon…

Oui. Le comité de la CPEG a adopté une série d’autres mesures qui péjoreraient nos rentes, dont l’entrée en vigueur est prévue pour le mois de juin 2018. Il veut notamment abaisser le niveau des rentes garanties à 54% du dernier salaire, au lieu des actuels 60%. Bref, cotiser plus pour toucher moins! Le motif invoqué est la nécessité de redresser la courbe de croissance de la caisse, afin qu’elle corresponde aux objectifs de capitalisation fixés par la Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle (60% en 2020, 80% en 2052). Or nous sommes déjà aujourd’hui à plus de 59% de couverture, donc très proches de ces objectifs!

De son côté, le Conseil d’Etat a mis en consultation un avant-projet de loi visant à recapitaliser la CPEG. Que prévoit-il ?

Cet avant-projet de loi a été présenté par le Conseil d’Etat en mai dernier. Il prévoit plusieurs mesures. Tout d’abord, il veut verser d’un coup 4,7 milliards de francs à la CPEG afin de la recapitaliser en une fois.

Le problème, c’est que le Conseil d’Etat exige en contrepartie une modification du fonctionnement de la caisse: celle-ci passerait au système de « primauté de cotisations », alors qu’elle fonctionne aujourd’hui selon la « primauté de prestations ». Concrètement les prestations versées varieraient selon l’argent capitalisé au cours de la vie active et la fortune de la caisse, alors que le système actuel fixe le montant des rentes à verser sous la forme d’un pourcentage (aujourd’hui 60%) du salaire assuré. Un tel changement signifie donc lâcher la proie pour l’ombre. Et à terme, les assurés toucheraient des prestations moindres.

Pour faire passer son projet, l’Exécutif a besoin de l’accord du Grand Conseil ainsi que d’une approbation en votation populaire. Il cherche donc à avoir un accord du Cartel intersyndical.

Quelle est la position du SSP sur cette question ?

Le comité de région du SSP s’est clairement prononcé contre le passage au système de primauté de cotisations et le chantage exercé par le Conseil d’Etat. Pour éviter une telle péjoration, il sera nécessaire de mobiliser largement. Cette mobilisation doit se faire dans un cadre unitaire, et donc regrouper l’ensemble des syndicats et organisations représentant la fonction publique. Elle doit être précédée de séances d’information sur les enjeux cette bataille, regroupant l’ensemble du personnel concerné.

Nous défendrons cette orientation lors de l’Assemblée générale du SSP sur la question, qui aura lieu le 21 septembre prochain. Puis le 26 septembre, ce sera à l’Assemblée des délégués du Cartel intersyndical de se prononcer.

Le SSP prépare aussi une brochure sur la question…

Oui, elle devrait être disponible dès le 12 septembre. Intitulée « La bourse ou la vie », cette brochure remet les offensives en cours contre la CPEG dans la perspective des attaques globales menées contre le système des retraites en Suisse. Elle esquisse aussi les pistes pour maintenir et développer un système de retraites solidaire – renforcer l’AVS au détriment du deuxième pilier, ce dernier étant antisocial et soumis aux aléas de la bourse – et expose les revendications du SSP.

C’est une contribution sur la discussion, incontournable, sur l’avenir de notre système de retraites. Et un outil essentiel pour contribuer à la mobilisation de nos collègues.

Contexte:

Créer du logement pour Garantir les rentes

Le 4 septembre, l’Asloca et le Cartel intersyndical ont lancé une initiative visant à sauvegarder les rentes versées par la CPEG. Ils proposent un plan alternatif à celui du Conseil d’Etat…

Cette initiative a pour objectif d’assurer les retraites des salariés du secteur public tout en favorisant la construction de logements populaires.

Pour cela, elle prévoit d’augmenter le capital de la CPEG via la cession de terrains constructibles ou de droits à bâtir qui sont propriété de la collectivité, notamment dans le secteur Praille Acacias Vernets (PAV). Cela permettrait à la fois de créer 12 000 logements à loyers abordables, et de maintenir le niveau des rentes.

Cette initiative représente une véritable alternative au chantage du Conseil d’Etat, car elle stipule que les prestations de prévoyance de la CPEG seront préservées, autant que possible, au niveau de celui du 1er janvier 2017 – garantissant donc les 60% du salaire assuré.

Le SSP va donc s’investir dans la récolte de signatures en faveur de cette initiative, qui court jusqu’au 23 décembre.

En parallèle, nous soutenons aussi un projet de loi déposé par Ensemble à gauche au Grand Conseil (PL 12095), qui prévoit une recapitalisation immédiate de la caisse à hauteur de 800 millions de francs afin d’éviter les nouvelles coupes dans les pensions prévues pour juin 2018.

Le calendrier est donc serré. Il faudra combiner les récoltes de signatures avec une dynamique concrète de mobilisation des salariés de la fonction publique, indispensable pour enrayer réellement les attaques contre nos retraites.