«Il faut anticiper la rentrée sociale»

Objectif du rassemblement organisé le 19 mai par le Cartel intersyndical de la fonction publique: poser les premiers jalons d’une forte mobilisation autour du budget 2023. Questions à Vincent Bircher, travailleur social et président du SSP – Région Genève.

Eric Roset

Cette année, le Cartel intersyndical entame la mobilisation pour le budget 2023 dès le printemps. Pourquoi si tôt?

Vincent Bircher – La démarche sort en effet de l’ordinaire. D’habitude, c’est à partir de la rentrée scolaire que la fonction publique commence à se mobiliser autour du budget.

Notre décision part d’un constat: ces dernières années, nos mobilisations sont montées en puissance trop tardivement pour déboucher sur de réelles victoires. En 2021 par exemple, nous avons organisé un débrayage quelques semaines seulement avant le vote sur le budget 2022. C’était trop tard pour peser sur le Conseil d’Etat et les partis politiques.

Cette année, nous avons donc décidé d’anticiper en convoquant une assemblée générale du personnel dès avril.

Il y a aussi la prise de conscience que la situation financière du canton est très bonne…

Les résultats financiers annoncés le mois dernier sont extraordinaires. En 2021, l’Etat de Genève a engrangé près d’un milliard de recettes fiscales de plus que prévu – le signe que les grandes entreprises ont amassé d’énormes profits tandis qu’une partie de la population s’appauvrissait. Le Canton a ainsi enregistré un bénéfice de 49 millions de francs, alors que le Conseil d’Etat avait prévu un déficit de 847 millions. Et cela, en pleine crise sanitaire!

Tout l’enjeu est désormais de savoir quelle sera l’utilisation de cette manne. Notre position est claire: durant toute la pandémie, les salarié-e-s de la fonction publique ont continué à travailler, souvent en première ligne. Il est temps de reconnaître cet effort, de renforcer le service public et d’améliorer les conditions de travail et de salaire du personnel.

Ce n’est pas la direction que semble privilégier le Conseil d’Etat…

En effet. Dès l’annonce des résultats 2021, la directrice des Finances (PLR) Nathalie Fontanet a indiqué clairement ses priorités: maintenir la politique d’austérité en cours depuis des années («pas d’open bar», a-t-elle affirmé à la presse) et maintenir à tout prix «l’attractivité fiscale» du canton, y compris en prévoyant de nouvelles baisses d’impôts pour les plus aisé-e-s.

Si nous voulons obtenir quelque chose pour le personnel, nous devrons donc instaurer un rapport de forces conséquent.

L’assemblée du 12 avril a décidé d’organiser un premier rassemblement le 19 mai. Avec quelles revendications?

Nous nous mobiliserons autour de trois axes clairs.

D’abord, nous demandons la création de postes suffisants dans tous les services, afin de pallier au sous-effectif chronique.

Compte tenu du retour de l’inflation (qui devrait atteindre 2% cette année) et de l’excellente santé financière du canton, nous réclamons aussi que l’Etat indexe les salaires pour les années 2021 (de manière rétroactive, car l’inflation de 0,9% n’a pas été compensée l’an passé), 2022 et 2023.

Enfin, au vu de l’excellent résultat 2021, nous réclamons l’octroi rétroactif de l’augmentation annuelle refusée au personnel en 2021, ainsi que l’application de l’annuité en 2022 et 2023.

Tout cela implique que le gouvernement révise son plan financier quadriennal (2022-2025). Ce dernier prévoit en effet le gel de toute indexation à l’augmentation du coût de la vie, indépendamment des taux d’inflation effectifs, ainsi que non-versement des annuités pour les années 2021 et 2023.

Avez-vous déjà pensé à la suite?

Le rassemblement du 19 mai sera une manière de montrer notre détermination et de donner un premier signal vers une mobilisation très large cet automne. Il est donc important que le plus grand nombre de collègues y participent.

Nous devrons ensuite définir collectivement la suite de notre mobilisation. Au SSP, nous pensons qu’il est important d’inscrire celle-ci dans la continuité, en prévoyant des moments «d’agitation syndicale» réguliers visant à dénoncer le sous-financement et le sous-effectif qui gangrènent le public et le parapublic.

C’est ce que fera au printemps le secteur social du SSP, en organisant une «balade touristique du social». Notre objectif sera de passer dans plusieurs structures afin de rendre visible le manque de moyens. Il serait positif que ce type de démarche s’étende à d’autres secteurs.