Cette contre-réforme répond à l’évidence à un impératif budgétaire, imposé par celles et ceux qui souhaitent faire «maigrir» le service public pour financer les prochaines baisses d’impôts. Le Conseil d’Etat suit à contre-temps. Il refuse par exemple d’appliquer le droit fédéral et d’imposer les immeubles à leur valeur réelle. Il renonce ainsi à 220 millions de francs par an, tandis qu’il réduit la qualité des prestations au enfants et aux familles avec des projets technocratiques comme celui que combattent les FCPES.
Le Département de l’instruction publique (DIP) a cherché à convaincre les FCPES qu’elles et ils ne travaillaient pas assez, malgré ses propres évaluations et l’augmentation des tâches confiées. N’étant pas parvenu à cuire la grenouille sans qu’elle s’en rende compte, l’Etat sort l’artillerie lourde et s’inspire des pires pratiques du privé. Tout comme Genolier avec l’Hôpital de la Providence à Neuchâtel (2012), il annonce aux FCPES que leurs postes sont supprimés et qu’elles et ils seront congédiés. Contrairement à Genolier, l’Etat ne communique pas d’offres fermes aux FCPES pour les réengager. Il demande à chacun-e de repostuler pour continuer à exercer son métier, sans garantie d’engagement. Le Conseil d’Etat fait moins bien que le droit privé du travail, pourtant rachitique. Sauf sur un point: les FCPES choisi-e-s pour continuer à exercer leur profession ne perdront pas d’argent, puisque leur salaire sera gelé.
Ce sont les nouvelles et nouveaux engagé·e·s qui paieront le gros de l’addition. Le Conseil d’Etat prépare le service public du futur, fait de sous-enchère et de prestations au rabais. Les directions des ressources humaines savent en effet mettre au concours des postes en mentionnant des prérequis minimaux, tout en engageant des personnes mieux formées et en excluant que le diplôme réel soit pris en compte pour fixer le salaire. Ceci montre aux magistrat·e·s qui considèrent que le droit de la fonction publique n’est pas suffisamment «agile» qu’avec une bonne dose d’imagination et de cynisme, il est possible de tordre le cadre juridique pour tenter d’imposer ses contre-réformes et mettre à mal les acquis politiques et sociaux de la population – ici, une certaine conception républicaine et sociale de l’école. Soutenir les FCPES dans leur lutte est donc l’affaire de toutes et tous!
Christian Dandrès, avocat
Interview parue dans Services Publics n°5, 1er avril 2022