Ecole en prison: un retournement de situation positif mais sans aucune garantie

de: Courrier à l’attention du Conseil d’État genevois et des député·es au Grand Conseil de Genève

Scolarisation des enfants du Centre fédéral d’asile (CFA) du Grand Saconnex dans les écoles – Respect du droit et de l’intérêt supérieur de l’enfant !

Eric Roset

Nous avons entendu à l’émission Forum de mercredi 11 juin que «tous les enfants qui seront hébergés dans le Centre fédéral d’asile pourront être scolarisés dans les écoles primaires et cycles d’orientation du quartier dès la rentrée scolaire en août, une information que vient de nous confirmer le Département de l’instruction publique».

Une victoire pour le respect des droits humains

On ne peut que se réjouir d’une telle annonce, qui indique que les autorités genevoises ont pris la mesure de l’atteinte fondamentale aux droits de l’enfant que représentait leur décision de faire école dans le Centre fédéral d’asile (CFA) du Grand-Saconnex.

Et pour cause… ce CFA, situé sur le tarmac (les fenêtres des salles de cours donnent directement sur les avions… voir photo ci-dessous), dans des conditions de pollution et de bruit inacceptables, sans espace extérieur digne de ce nom, avec des conditions de vie semi-carcérales, est un lieu inqualifiable, une honte pour le canton et certainement pas un espace où des enfants peuvent suivre un cursus scolaire. Le droit des enfants dans l’asile d’être intégré·es à l’école publique comme tout enfant est inaliénable !

Ce revirement est donc un premier soulagement, obtenu de haute lutte avec un soutien fort d’une large partie de la population habitant Genève.

Mais, car il y a un énorme mais...

Premièrement, il est indiqué que s'il y a trop d'enfants (que signifie «trop» ?), il faudra scolariser ces enfants dans le CFA. Cela reste inacceptable. Nous l’avons prouvé, il y a de la place (écoles, préfabriqués autour des écoles). Rien ne saurait justifier que l’on impose à des enfants une scolarité ségréguée dans un environnement semi-carcéral qui s’apparente à une prison, en violation de leurs droits fondamentaux les plus élémentaires.

Deuxièmement, le Conseil d'Etat ne parle jamais des écoles des communes de Pregny-Chambésy, de Bellevue et de Genève (par exemple côté Petit-Saconnex, la Ville de Genève a déjà manifesté son ouverture), mettant la pression sur le Grand-Saconnex alors que ce n'est pas nécessaire, sinon pour créer de la tension.

Troisièmement, et c'est probablement le pire, les parents «auront le choix» de scolariser leurs enfants au CFA ou à l'école. Or ce n'est pas un choix, tant que les parents auront peur, très peur de se voir séparés de leurs enfants avec la crainte d'une arrestation voire d’un renvoi des parents pendant que les enfants sont loin. C’est hyper angoissant, donc ils et elles pourraient être nombreux à «choisir» le CFA pour scolariser leurs enfants. Par ce «choix», le Conseil d’Etat fait indûment peser la responsabilité de l’exclusion et de la discrimination sur les enfants et les familles, alors que c’est bien lui qui en porterait l’entière responsabilité.
L’école publique ordinaire dispose assurément de tous les moyens nécessaires et d’un dispositif existant éprouvé pour accueillir ces enfants dignement en son sein, comme c’est le cas de tous les autres enfants, quel que soit leur statut ou leur origine. Et on ne le répétera jamais assez : tous les instruments juridiques, comme toutes les recommandations émanant de toutes les instances locales, nationales et internationales et tous les experts l’affirment sans la moindre réserve : l’école est le seul endroit approprié pour scolariser des enfants.

Des mesures d’accompagnement sont indispensables, afin de rassurer parents et enfants:

  • d'une part, garantir formellement qu'il n'y aura pas d'arrestation ni de renvoi de parents et d'enfants pendant que les enfants sont à l'école ou sur le chemin de l'école ou à une activité hors horaire ; c'est du ressort des autorités cantonales d’exécuter les renvois ordonnés par la Confédération, donc c'est parfaitement faisable de rassurer sur ce point les intéressé·es;
  • d'autre part, organiser des navettes gratuites pour le transport vers l'école ou les écoles, en autorisant bien entendu les parents à accompagner les enfants et à aller les chercher à l'école ;
  • et, enfin, faire les choses sans pression pour cet accompagnement, avec suffisamment de personnel extérieur au CFA et le droit pour les parents d’accompagner les enfants.

Si le projet de loi PL13608, en suspens au Grand Conseil, qui modifie la Loi sur l’instruction publique et qui a cette teneur «Art. 58, al. 6 (nouveau) - La scolarisation dans un centre d’asile est exclue», était voté par le Grand Conseil en demandant l'urgence, l'affaire serait réglée.

Donc malgré les tergiversations du Conseil d’État pour ne pas respecter la loi, la majorité du Grand Conseil peut apporter une solution simple et heureuse, conforme au droit, à cette affaire lors de la session à venir des 19 et 20 juin.

La lutte paie et ne doit pas être abandonnée. Nous serons là, à chaque étape, auprès de chaque famille pour s’assurer que l’école-prison ne voie pas le jour à Genève et que les droits de tout·es les enfants sans discrimination soient respectés, y compris celui d’accéder au système scolaire public sans aucune condition.

Nous demandons aujourd’hui que la scolarisation des enfants du CFA soit garantie dans des écoles, dès la rentrée, sans «si» ni «mais», que le Département de l’instruction publique fasse son travail, respecte la législation sur la protection de l’enfant et le droit de tous·tes les enfants à être scolarisé·es avec les autres enfants dans des conditions sociales, pédagogiques et infrastructurelles rassurantes et dignes. Juste ça. Rien de plus.

Actuellement les salles de classe et l’espace de récréation sont sur piste d’aéroport, comme le démontrent des photos, prises sur place le 4 juin 2025.


Signataires de la Pétition Non à l’école prison qui a recueilli 6761 signatures:

3ChêneAccueil
Caritas
Cartel intersyndical du personnel de l’État et du secteur subventionné
Centre de contact suisses immigrés CCSI
Centre social protestant CSP
Collectif Afro-Swiss
Collectif des enseignantexs pour le climat et la biodiversité
Collectif de soutien aux sans-papiers
Commission fédérative migrations du SSP
Communauté genevoise d'action syndicale, CGAS
Conférence Universitaire des Associations d'Etudiant.e.x.s CUAE
Coordination asile.ge
Coordination contre l’exclusion et la xénophobie Stopex
Découvrir, pour l’intégration professionnelle des femmes et personnes migrantes qualifiées
De l’Individuel Au Collectif DIAC
Eper Genève
Fédération des Associations des Maître.sse.s du Cycle d’Orientation FAMCO
Foulards violets
Jeunesse Solidaire
Le Labo, Pour les compétences, contre la déqualification
Le Silure
Les Vert.e.s
Ligue suisse des droits humains Genève
Marad, collectif juif décolonial
Parti socialiste PS Genève
Petits Pas de Société
Société pédagogique genevoise
solidaritéS
Solidarité Tattes
Syndicat des services publics SSP
Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs SIT
Unia Genève
Union du corps enseignant secondaire genevois UCESG