Répliquer syndicalement aux attaques

de: Guillaume Thion, membre SSP Région Genève

Depuis la victoire aux élections cantonales de 2023, la droite genevoise majoritaire enchaîne les attaques tous azimuts, contraignant gauche et syndicats à mener référendum sur référendum.

Eric Roset

L ’arrogance de la droite majoritaire n’a pas de limite. Que cela concerne la fiscalité, le logement, les droits syndicaux ou la formation, nous sommes en butte à une offensive d’ampleur qui appelle une riposte à la hauteur des enjeux. Les attaques sont presque trop nombreuses pour les énumérer de manière exhaustive: après une double victoire lors de la votation du 3 mars sur la question du logement, un vote est prévu le 9 juin à la suite d’un référendum lancé par le personnel de terrain et les forces progressistes, dont le SSP, sur les salaires pratiqués dans les crèches. La droite a en effet voté une loi permettant aux crèches de payer les employé-e-s non qualifié-e-s au salaire minimum cantonal en lieu et place des salaires d’usage, provoquant ainsi la révolte des salarié-e-s choqué-e-s par le mépris affiché à l’égard de leur travail.

Réintégration supprimée

La récolte des signatures est en cours pour s’opposer à la décision de supprimer l’obligation de réintégrer les fonctionnaires licencié-e-s abusivement, traduisant la volonté de la droite de ne pas s’embarrasser avec les droits syndicaux. Alors que l’OIT, hébergée à Genève, a condamné la Suisse car son droit du travail ne protège pas suffisamment la liberté syndicale, notamment du fait de l’absence de droit à la réintégration, la droite genevoise se sent pousser des ailes et supprime cette obligation dans la fonction publique. Les arguments évoqués selon lesquels «c’est difficile de réintégrer quelqu’un» ne résistent pas à l’examen, surtout dans la mesure où les tribunaux continuent de prononcer des décisions de réintégration! Ce dossier est particulièrement suivi par le SSP depuis longtemps car l’enjeu est capital.

Haro sur la formation

Comme si ce n’était pas suffisant, les attaques se poursuivent à destination du secteur de la formation. Les enseignant-e-s du cycle d’orientation (CO) se sont mobilisé-e-s contre l’augmentation de la durée du travail de deux heures par semaine voulue par le Conseil d’État (projet dont la concrétisation législative devrait arriver prochainement). La formation des enseignant-e-s est également attaquée pour des motifs d’économies. Comme cela se pratique dans la plupart des pays voisins, la durée de la formation des enseignant-e-s à Genève comprend quatre années, contrairement aux autres cantons qui connaissent une formation sur trois ans. Pour la droite, ce benchmarking à courte vue représente un argument suffisant pour faire passer à trois ans la durée de la formation. Sur le terrain, la situation est pourtant claire: les enseignant-e-s se trouvent en souffrance de ne pouvoir faire face à la complexité accrue des situations rencontrées. Afin de pouvoir enseigner de manière respectueuse du rythme des élèves, de réellement pratiquer l’inclusion des élèves dans les écoles, des moyens et de la formation sont requis. La décision du Grand Conseil va à l’encontre des besoins remontés du travail de terrain et contribue à dévaloriser le travail des enseignant-e-s. Face à la complexité des situations rencontrées, ces derniers-ères devront suivre des formations continues, mais l’offre a été restreinte et les enseignant-e-s devront participer aux coûts. Les débats au Grand Conseil ont par exemple permis d’entendre qu’une formation en quatre ans ne se justifiait pas puisque le travail d’enseignant-e consiste uniquement à «torcher les gamins».

Quelle riposte construire?

À juste titre, ces attaques provoquent un fort mécontentement dans la fonction publique. Le nombre de ces attaques a pour but de noyer la gauche et le mouvement syndical. Le défi syndical pour nous est de parvenir à construire une riposte en partant des lieux de travail. Il y a en effet un grand risque de répliquer à chaque attaque au coup par coup par le biais de récoltes de signatures afin de faire aboutir un référendum. C’est certes sans doute nécessaire, mais le danger est de s’épuiser alors qu’il devrait s’agir pour nous d’organiser des structures de travailleurs-euses aptes à livrer ces batailles. Le référendum contre la modification de la loi sur les crèches a ainsi été pris en charge principalement par les salarié-e-s directement concerné-e-s. C’est ce modèle que nous devrions suivre afin d’éviter de nous éparpiller à récolter des signatures à la place de construire des résistances sur les lieux de travail.

Ces débats sont essentiels car, à moins d’infliger des revers importants à la droite, celle-ci va poursuivre son offensive contre les services publics et en faveur des privilégié-e-s. Elle vient ainsi de faire un cadeau fiscal aux actionnaires propriétaires de leurs entreprises qui coûterait 30 millions de francs par année (le référendum fiscal a été lancé par la gauche radicale). Cela alors que nous nous trouvons dans un contexte où les besoins sociaux ne cessent de croître en lien avec le vieillissement de la population ou l’augmentation des cas d’atteinte psychologique. Face à ces besoins en augmentation, l’État se désengage et se repose toujours plus sur des structures de type caritatif, comme par exemple la Fondation Wilsdorf (émanation de Rolex) qui prend toujours plus d’ampleur. Un retour aux principes fondamentaux des services publics est urgent, nous devons nous y employer tout en nous opposant aux attaques en cours.


Paru dans Services Publics n°3, 8 mars 2024