En 2023, le SSP Genève a défendu deux travailleuses de maison de quartier, toutes deux portant le turban. Ce bout de tissu a été présenté comme une raison suffisante pour justifier le licenciement de l’une, tandis que l’autre s’est vue refuser un contrat CDI. Invoquant la Loi genevoise sur la laïcité (LLE), l’employeur (FASe) a estimé que le port du turban de ces deux salariées était incompatible avec son article 3 alinéa 5, obligeant les agent-e-s de l’Etat à observer la « neutralité religieuse dans l’exercice de leur fonction ». Or, il est inutile de rappeler que le turban n’a rien d’une soutane, c’est bien un habit civil comme l’a martelé le SSP Genève tout au long de l’affaire. Le licenciement et le refus d’embauche en CDI de ces deux personnes sont donc bien les résultats d’une logique discriminatoire ciblant en premier lieu les femmes musulmanes. En effet, si les deux salariées avaient porté le turban pour des raisons esthétiques ou médicales, l’employeur aurait-il invoqué la loi sur la laïcité pour justifier ses décisions ? Est-il d’ailleurs utile de rappeler que le principe de liberté religieuse interdit à l’employeur de demander leurs appartenances religieuses aux employé-e-s ? Enfin, si la loi sur la laïcité impose effectivement la neutralité religieuse aux agent-e-s de l’Etat, elle interdit également « toute discrimination fondée sur les convictions religieuses »…
Les services publics, qu’ils soient lieux de travail ou lieux d’accès aux prestations, doivent être exemplaires en matière de respect du principe de non-discrimination. Ils ne peuvent être des « terrains de jeu » sur lesquels patronat, employeurs et institutions jouent avec les ambiguïtés des lois et des règlements – eux-mêmes souvent déficients, contradictoires, incomplets ou problématiques – pour servir des logiques qui n’ont pas leur place dans notre société. Car ces logiques, dont les femmes et les personnes minorisées sont les premières cibles, charrient trop souvent avec elles des effets dévastateurs à tous les stades de la vie, que ce soit dans l’enfance et l’adolescence en milieu scolaire ou périscolaire ou à l’âge adulte dans le cadre du travail ou de la recherche d’emploi. L’inclusivité des services publics ne peut être à géométrie variable autant que les lois ne peuvent promouvoir un principe général pour dissimuler leurs intentions de cibler une minorité particulière.
En tant que syndicalistes et féministes du SSP Genève :
- Nous dénonçons l’instrumentalisation du principe de laïcité à des fins de mises à l’écart des femmes, notamment des femmes musulmanes dans un contexte de recrudescence de racisme et d’islamophobie ;
- Nous sommes solidaires avec les travailleuses dont l’habillement est utilisé comme prétexte pour exercer sur elles des logiques d’exclusion ;
- Nous nous tenons également aux côtés des usagères qui ne sont pas non plus épargnées par les logiques discriminatoires qui se cachent derrière les discours de bienséance revendiquant la « tenue correcte » - laquelle n’est par ailleurs jamais définie. Ainsi, jusqu’en 2020, faisait-on encore porter à des élèves du CO Pinchat le « t-shirt de la honte », habit humiliant et conçu pour couvrir les corps jugés trop découverts des jeunes filles de l’établissement ;
- Nous nous dressons avec la plus grande fermeté contre les discriminations qui sévissent encore et toujours sur les lieux de travail, qu’il s’agisse de discriminations raciales ou religieuses, de discriminations fondées sur le sexe, l’identité de genre ou de toute autre forme de discrimination.
Prise de position votée le 5 février 2024 par le Comité de Région du SSP Genève sur proposition de la Commission féministe