«Nous irons au bout!»

La Clairière: préavis de grève pour le vendredi 18 novembre.

Eric Roset

Après une première journée de grève, les éducateurs et les éducatrices de La Clairière débraient à nouveau le 18 novembre. Épuisé-e-s par le sous-effectif et attaché-e-s à une bonne prise en charge des mineurs, ils et elles refusent des journées de onze heures.

«C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase». Éducateur à La Clairière, un Centre éducatif de détention et d'observation pour mineur-e-s situé à Genève, Raphaël * a participé, avec une dizaine de ses collègues, au mouvement de grève qui a touché l’institution le 2 novembre dernier. Ils débraient à nouveau ce vendredi 18 novembre. Dans le collimateur des salarié-e-s: le refus d’aligner des journées de travail de onze heures, mais aussi un climat de travail profondément dégradé.

Le poids du sous-effectif

À La Clairière, les éducateurs-trices du secteur observation travaillent en moyenne 8 heures par jour. Dès le 1er janvier 2023, la direction veut imposer des journées de travail de 11 heures (plus trente minutes de pause). Raphaël et ses collègues ont testé ces nouveaux horaires au cours de l’été. Le bilan est sans appel: «Après deux ou trois jours à ce rythme, on est crevés». Pour une équipe déjà au bord de la rupture, c’est la péjoration de trop.

Depuis des mois, le sous-effectif, alimenté par les démissions et les arrêts maladie, fait en effet rage à La Clairière. «Aujourd’hui, nous nous retrouvons à neuf éducateurs pour assurer l’encadrement des jeunes, sur des plages horaires s’étendant de 7 h à 22 h, sept jours sur sept. Il y a quelques années, nous étions 15 ou 16», explique Raphaël. Cette situation a des conséquences négatives sur les conditions de travail du personnel – mais aussi sur la prise en charge des jeunes.

«Il n’y a pas que le sous-effectif» ajoute Paula*, éducatrice elle aussi au sein du secteur observation. «Depuis 2020, on va de recul en recul. À la suite d’un changement au sein de la direction, le courant ne passe plus. Nos compétences d’éducateurs sont balayées. La direction impose ses décisions, sans prendre notre avis en considération. C’est comme si on était là juste pour faire du gardiennage».

Constat accablant

Ce contexte tendu est confirmé par les résultats d’un sondage confidentiel réalisé auprès du personnel de La Clairière pour le compte de l’office général de la détention (DGOCD), dont nous avons pu consulter les résultats. Selon cette enquête, le personnel indique une «confiance extrêmement basse» en l’avenir de l’établissement, ainsi qu’un «risque de départ très marqué». Le rapport cite aussi un «risque très élevé d’arrêt (burnout, maladie, etc.) suite à la conjonction d’un stress perçu élevé et d’une charge de travail perçue comme inadéquate». Quant à la sécurité des employé-e-s, elle «ne semble plus être assurée». Du point de vue des usagers-ères de La Clairière, le bilan n’est pas meilleur: «Les conditions actuelles ne permettent pas une prise en charge adéquate».

«On n’est pas des robots»

Selon la direction de La Clairière, les journées de onze heures représenteraient la seule formule permettant «d’assurer un encadrement de qualité des mineurs, notamment en cas d’absences inopinées d’éducateurs». Un argument réfuté par le personnel et le syndicat. Selon eux, l’allongement du temps de travail a pour objectif principal de pallier le sous-effectif. Il se traduira par une nouvelle dégradation des conditions de travail des éducateurs-trices – et de la prise en charge des jeunes. «Nous travaillons avec des mineurs enfermés, dans un contexte chargé de tensions. Pour rester professionnel tout le temps durant huit heures, il faut déjà avoir les nerfs solides. Mais en alignant des journées de onze heures, parfois trois jours de suite, il ne sera parfois plus possible de garder la distance et la patience nécessaires. Nous sommes des êtres humains, pas des robots!» explique Paula.

Nouvelle grève le 18 novembre

Pendant plus d’une année, le personnel a cherché le dialogue avec sa direction et a participé à un groupe de travail, tentant de lui expliquer les raisons de son opposition au nouvel horaire. Il s’est heurté à une décision sans appel, ne tenant pas compte des arguments du personnel en première ligne, ce qui l’a poussé à organiser une première grève, le 2 novembre. Malgré cette journée de lutte, la direction s’obstine – avec le soutien du conseiller d’Etat en charge de la sécurité, de la population et de la santé, Mauro Poggia. Elle a déjà transmis au personnel les plannings 2023, qui intègrent les onze heures.

En face, les salarié-e-s refusent de baisser les bras. Réuni-e-s en assemblée à l’issue de la journée de grève du 2 novembre, ils et elles ont décidé à l’unanimité de reconduire leur mouvement le 18 novembre. «On a commencé à se battre, on ira jusqu’au bout», résume Raphaël. «On croit en notre travail, on aime les jeunes avec lesquels on travaille et on est très soudés», abonde Paula. «Si la direction persiste dans son refus après le 18 novembre, on continuera notre mouvement de grève. Pour défendre nos conditions de travail et notre métier d’éducateur.»

*Prénoms d’emprunt


Programme du 18 novembre

La journée de grève se terminera au piquet de la Clairière avec une assemblée générale en fin d’après-midi qui décidera de la suite de la lutte

Lieux et horaires des piquets de grève

  • De 7h à 10h30 : 27 rte de Satigny- à l’entrée de la Clairière
  • De 11h30 à 12h30 : Place Taconnerie en vieille ville, devant les bureaux de M.Poggia
  • De 12h30 à 13h30 : devant le Tribunal des Mineurs – promenade St-Antoine
  • De 14h à 15h30 : Place de l’Etoile, entre le Port-Franc et le MacDo (en face de l’Office Cantonal de la Détention)
  • De 15h30 à 16h30 : 27 rte de Satigny – à l’entrée de la Clairière

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17.11.2022 Programme de la grève à La Clairière du 18 novembre 2022 PDF (25,8 kB)