Fins de mois vs fin du monde: encore raté!

de: Paolo Gilardi, SSP région Genève

L’Assemblée des délégué·e·s de l’USS qui a décidé de revendiquer une part des bénéfices de la BNS au financement de l’AVS était saisie d’un texte alternatif proposé par le SIT, par la région de Genève du SSP ainsi que par Syna-Genève, syndicat non membre de l’USS.

Photo Eric Roset

La proposition qui était faite, largement refusée par les délégué·e·s, visait à surseoir au lancement de l’initiative, au profit d’une démarche unitaire capable de lier les besoins sociaux, dont le financement de l’AVS, et les besoins urgents en matière de transition climatique.

Partant du constat que la crise climatique peut plonger dans l’angoisse des centaines de milliers de salarié·e·s – dans l’aéronautique, le transport routier professionnel, l’hôtellerie, l’agriculture…– la proposition visait à exiger que les 100 milliards de bénéfices de la BNS –qu’elle est en principe tenue de redistribuer aux cantons – soient affectés au financement du tournant énergétique et de sa dimension sociale.

Il s’agirait de les consacrer à une transformation radicale des modes de production qui permette le développement de nouveaux secteurs d’activité, éco-compatibles et fortement pourvoyeurs d’emplois et de garantir qu’aucun savoir-faire professionnel ne soit sacrifié, autrement dit que formation, recyclage et réembauche des personnels des secteurs touchés par le tournant soient une priorité.

Financer par le travail, pas à coups de sparadrap

La particularité de l’AVS, la principale vraie assurance sociale de ce pays, tient à son financement basé principalement sur les cotisations -payées par les employeurs et par les employés- en fonction de la masse salariale versée et des salaires perçus. Donc, en toute logique, plus les salaires sont élevés et plus important est le volume de l’emploi, plus l’avenir de l’AVS est garanti.

Notons que, si, de 1990 à 2021 la part des revenus du travail dans la formation du Revenu national brut passe de 54% à 61%, durant la même période, l’indice des salaires réels a moins augmenté que le Produit national brut par habitant. Cela signifie que les revenus du travail ont été répartis en défaveur de celles et de ceux qui n’ont que leur travail pour vivre. Mais cela signifie également, qu’une autre redistribution de ces revenus – la réalisation de l’égalité salariale entre hommes et femmes, in primis – aurait pu conforter le financement de l’AVS.

Il est toutefois évident que l’augmentation du volume de l’emploi est bien là : c’est sur elle qu’il est nécessaire de s’appuyer pour développer l’AVS, pas sur des subventions par à-coups, par des sparadraps.

C’est justement le volume de l’emploi que la proposition genevoise vise en premier lieu: financer une transition écologique socialement responsable ce n’est pas seulement sauver des emplois, c’est aussi développer de nouvelles filières, porteuses de places de travail et, en fin de compte, de rentrées pour l’AVS.

Le tournant? Une chance!

En ce sens, le tournant écologique n’est pas à concevoir comme une série de mesures individuelles d’ordre comportemental et souvent moral, mais comme un choix planifié de développement sur lequel les mouvements, syndical, climatique et féministe, peuvent influer de manière décisive.

Pour cela, il est indispensable que le mouvement syndical ne se contente pas du coup par coup, mais pose une exigence d’ensemble, celle de garantir les meilleures conditions de vie possibles, tant au niveau de l’air que nous respirons, de ce qui nous permet de nous loger, de ce qui est dans notre assiette et des moyens qui nous permettent de la remplir.

Le tournant écologique est trop important pour être laissé au gouvernement, aux partis, à économiesuisse, à l’USAM, au TCS…

Chacun voudra y faire valoir ses propres intérêts – en déchargeant sur d’autres les impératifs de ce tournant. Représentant la majorité écrasante de la population, le mouvement syndical peut et doit se saisir de la thématique, pour y faire valoir des propositions globales et solidaires, écologiques et sociales, porteuses d’avenir.

Il se doit aussi d’être fédérateur en réunissant autour de ses propositions un large front capable de les porter devant la population dans une perspective de changement global.

Sans corset…

A ce titre, il n’a pas à s’enfermer dans le corset que les bourgeois se plaisent à lui voir endosser.

Le climat n’est pas un prétexte pour ne pas accéder aux besoins de la majorité des salarié·e·s, tout comme l’emploi ne doit pas être prétexte à ne pas prendre des mesures fortes en matière climatique. Les opposer, c’est se condamner à l’impuissance, à la marginalisation du mouvement syndical, à être perdants sur un terrain comme sur l’autre.

Ceci d’autant plus que le pseudo-réalisme en matière de ressources de l’AVS – celui qui voudrait que le financement de l’AVS étant «menacé» il faudrait lui accorder quelques-uns des milliards de la BNS pour éviter l’élévation de l’âge de la retraite – n’est pas de mise.

Depuis que l’AVS existe, les bourgeois ont poussé des cris d’orfraie à propos de son financement. Des cris qui n’ont pas empêché cette assurance sociale de fonctionner.

Et qui pourrait verser des rentes dignes si on convertissait dans le premier pilier, l’AVS justement, les 1000 milliards détournés par le 2e pilier. Une des propositions que le texte genevois proposait aussi de soumettre à discussion…

Encore raté. Zut…