La «marche de la honte» a fait halte devant une série d’institutions représentatives du secteur social: Maison de quartier, Centre d’action sociale, Office médico-pédagogique (OMP), Fondation officielle de la Jeunesse (FOJ) et Service de protection des mineurs (SPMi). Les salarié-e-s y ont dénoncé la profonde crise qui malmène le secteur social genevois.
Privatisation rampante
La mobilisation du 2 juin partait d’un constat: «Depuis une trentaine d’années, nous voyons le social progressivement privatisé, assujetti aux dons de fondations privées, avec, à la tête des institutions, des responsables venu-e-s du privégérant celles-ci institutions comme des entreprises», souligne la résolution adoptée par l’assemblée générale du social, le 17 mai dernier. Sur les lieux de travail, cette politique se traduit une situation de sous-effectif et une brutale péjoration des conditions de travail. « Ces facteurs ne peuvent qu’entraîner une dégradation de la prise en charge des usagers-ères», dénoncent les travailleuses et travailleurs sociaux. Un constat qui entre en écho avec les récents scandales de maltraitance qui ont frappé, à Genève, des institutions prenant en charge des personnes en situation de handicap.
Un avertissement ignoré
Cela fait pourtant des années que les principaux-ales concerné-e-s tirent la sonnette d’alarme. En 2015, des centaines d’employé-e-s avaient adopté et envoyé un manifeste du social aux autorités politiques et aux directions d’institutions. Pointant du doigt le malaise qui couvait déjà dans le secteur, le manifeste dénonçait les politiques d’austérité à répétition, soulignant leurs effets délétères sur le personnel comme sur la prise en charge des usagers-ères. «Cet avertissement n’a pas été pris au sérieux, ni par nos directions déconnectées de notre travail, ni par les politiques qui ont continué de sabrer à l’aveugle dans les prestations! Ce sont d’ailleurs les mêmes qui ont voté les coupes budgétaires qui s’offusquent maintenant du résultat de leurs décisions», constate la résolution du 17 mai.
«Des choix dans l’urgence»
Le 2 juin, éducatrices et éducateurs, assistantes et assistants sociaux, intervenant-e-s en protection de l’enfance ont mis des mots sur leurs maux. Que ce soit dans la protection de l’enfance, le domaine du handicap ou l’éducation spécialisée, les constats se suivent et se ressemblent: «Avant, il y avait un adulte pour deux élèves, aujourd’hui on en compte souvent quatre par adulte»; «Le nombre de dossiers traité par chaque intervenant en protection de l’enfance continue d’augmenter. On devrait au maximum suivre 48 situations, mais la moyenne est plutôt de 58, pour certains collaborateurs c’est encore plus. Nous sommes obligés de faire des choix dans l’urgence, qui peuvent avoir des conséquences graves pour les enfants et les familles»; «Nous ne sommes pas équipés pour accompagner correctement les enfants souffrant de problématiques nouvelles, comme le handicap mental ou l’autisme. Nos usagers sont en plus très déstabilisés par des turn-over importants avec des travailleurs intérimaires qui viennent effectuer des remplacements, même la nuit, sans connaître les enfants.»
Augmenter le nombre de postes
Pour mettre fin à cette situation de crise, les salarié-e-s demandent l’organisation d’assises par secteur ou par institution. Objectif: faire un état des lieux de la situation sur le terrain, assorti de propositions chiffrées pour augmenter le nombre de postes. En parallèle, ils exigent la mise en place, en collaboration avec les syndicats, d’un dispositif cantonal permettant de dénoncer de manière anonyme les cas de maltraitance sur les usagers-ères. Dernière revendication exprimée: «Que le Conseil d’Etat mette la même énergie pour revaloriser nos professions que pour augmenter leur propre salaire, et que nos salaires soient indexés!»
Rendez-vous en automne
«Cette balade s’inscrit dans le contexte plus large d’une mobilisation de l’ensemble de la fonction publique en vue d’un projet de budget 2023 que nous savons déjà insuffisant» précise Vincent Bircher, travailleur social et président du SSP – Région Genève. Alors que l’ensemble du service public genevois est frappé de sous-financement malgré des finances au beau fixe, les syndicats préparent pour l’automne des mobilisations de grande envergure. Objectif: arracher des augmentations de salaire et la création de postes suffisants dans tous les services publics. Une nouvelle assemblée générale du secteur se tiendra à la rentrée scolaire prochaine. Affaire à suivre!
Voir aussi: La balade du social en images