2020: je suis étudiante en physiothérapie le jour. En parallèle, je prends un poste de permanente nocturne (PN) à l’institution genevoise de maintien à domicile (imad).
Permanente nocturne (PN), mode d’emploi
PN? Il s’agit d’un emploi qui occupe une centaine d’étudiant-e-s, jusqu’ici dans les secteurs de la santé ou du social, mais qui s’ouvre peu à peu d’autres domaines d’études. L’objectif est de garantir des prestations d’encadrements de nuit, avec une présence de 19h à 7h le matin dans des immeubles à encadrement pour personnes âgées (IEPA). En gros, il s’agit d’être disponible pour répondre à tout moment aux demandes des locataires et à celles de leur entourage, ainsi que pour intervenir en cas d’urgence. Environ 7 à 8 veilles sont réalisées par PN, dans un immeuble attribué lors de la signature du contrat (excepté pour l’équipe qui se déplace en fonction des besoins). En plus de ces veilles, nous réalisons un service de piquet occasionnel d’une heure à notre domicile, afin de garantir un remplacement en cas d’imprévu auprès de nos collègues. Je préfère le préciser pour une question de transparence: si nous ne sommes pas appelé-e-s durant la nuit, nous avons la possibilité de dormir. C’est malheureusement un argument, avec le fait que nous sommes des étudiant-e-s, qui revient souvent dans la bouche de notre employeur pour justifier nos conditions de travail et salaire. Mais j’y reviendrai plus tard.
14,78 francs par heure!
2021: je porte toujours les deux casquettes (étudiante et permanente nocturne) et je découvre en septembre le programme scolaire comprenant des cours de législation. C’est le coup de foudre avec le droit, les lois et le contrat du travail. Je me rends alors compte de la précarité de mon job de nuit et des zones troubles de mon contrat. J’en parle avec mon enseignante, qui me conseille d’en discuter avec l’Office cantonal de l’inspection et des relations du travail (OCIRT) et de me syndiquer. Dans un même temps, j’apprends l’existence du SSP suite à un appel à la grève tombé, comme une réponse à mes questions, dans ma boîte mail professionnelle de l’Imad. Je prends alors contact avec le SSP qui me met en relation avec Alain Clémence, puis Quentin Stauffer. À partir de là, commence un travail de plus d’un an pour motiver et sensibiliser la centaine de PN que compte notre institution sur nos conditions et enfin faire appliquer le salaire minimum. Parce que oui, à cette période et ce jusqu’en mai 2022, nous étions payé-e-s 177,35 francs par nuit de 12 heures en poste, soit 14,78 francs par heure!
Des avancées insuffisantes
2021-2022: des commissions paritaires ont été organisées, deux pétitions ont été signées par plus de la moitié des PN (soit 54, puis 75 signatures), une commission de la santé a été ouverte, le salaire minimum rétroactif (de novembre 2020 à mai 2022) nous a été promis, un nouveau système de rémunération a été mis en place (toujours pas le salaire minimum!) et une conférence de presse a été organisée pour plaider notre cause. Pourtant, malgré une avancée pour les ancien-ne-s PN, celles et ceux qui sont encore actuellement sous contrat n’ont toujours pas accès au salaire minimum cantonal, qui a pourtant été accepté par une votation populaire en novembre 2020! C’est pour elles et eux que nous nous battons actuellement. Notre prochaine étape? Déposer notre dossier auprès de la Chambre des relations collectives de travail (CRCT), afin qu’une autorité cantonale puisse se positionner face à notre situation.
La force du collectif
Actuellement, je viens d’être diplômée en physiothérapie. Je me réjouis de commencer cette nouvelle étape de ma vie. Je vais forcément devoir prendre mes distances avec notre combat et laisser la place à la nouvelle génération de PN. Ce chemin semé d’embûches, de découragements, d’espoirs et de petites victoires m’a permis de découvrir le monde complexe et dur du droit du travail, la force d’un groupe de travailleuses et travailleurs soudés, ainsi que l’importance des syndicats. Je n’ai pas été seule, et c’est aussi grâce à l’investissement de mes collègues PN ainsi que des membres du SSP qui nous ont suivi et soutenu depuis le début que nous avons pu avancer. Ce sont elles et eux qui me permettent aujourd’hui de partager cette histoire, ce combat. Un grand merci à toutes et tous!
J’ai appris sur moi et je ne pense pas m’arrêter en si bon chemin: défendre les intérêts des professionnel-le-s de la physiothérapie est mon futur objectif!