Une initiative, mille emplois

de: Paolo Gilardi, membre SSP

L’Etat doit créer des emplois répondant à la fois aux besoins sociaux et à l’urgence climatique, exigent les syndicats. Ils lancent une initiative dans cet objectif.

Photo Eric Roset

Élaborée au sein de la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS) au cours des deux dernières années, l’initiative pour la création d’emplois sociaux et écologiques et la réduction du temps de travail (initiative mille emplois) obligera les pouvoirs publics à créer 1000 emplois d’utilité sociale et environnementale par an si le taux de chômage cantonal atteint 5%. Le texte préconise également l’adoption d’une politique d’encouragement à la réduction de la durée hebdomadaire du travail à 32 heures d’ici à 2030 afin de « partager l’emploi et vivre mieux » (lire le texte de l’initiative ci-contre).
L’initiative bénéficie non seulement du soutien des partis de l’Alternative, mais également de celui de la Grève pour l’Avenir, du collectif de la Grève féministe et des femmes, du Cartel intersyndical ou encore d’Avenir social, ainsi que d’intervenant-e-s dans le domaine de la précarité et de l’aide sociale.

PRÉCARITÉ EN HAUSSE. La combinaison des crises sanitaire, économique, sociale et climatique a des effets ravageurs pour une part croissante de la population.
Ainsi, c’est avec étonnement – et hypocrisie – que Genève « découvrait », il y a un an, ces queues de milliers de personnes attendant la distribution de l’aide alimentaire, symbole d’une précarité qui s’étend.
C’est avec appréhension que des milliers d’êtres humains attendent la fin du chômage partiel (RHT), une fin qui pourrait plonger dans le chômage, pour le seul canton de Genève, l’équivalent de la population de Carouge !
Et c’est en se passant de soins médicaux ou dentaires que des milliers de familles subissent la baisse des revenus induite par le chômage, quand elles ne sont pas expulsées de leurs logements faute d’avoir pu payer le loyer, ou mises aux poursuites et victimes de saisies.
De leur côté, les 11 000 salarié-e-s de l’aéroport de Genève sont confronté-e-s aux effets de la chute du transport aérien. Ils et elles craignent pour leur avenir, le retour au niveau d’activité « d’avant » n’étant attendu que dans deux ou trois ans.

RETOUR À LA NORMALE ? Mais est-il bien raisonnable de prôner, dans l’aviation comme ailleurs, le retour à ce monde d’avant ?
Du point de vue de l’emploi, certainement pas, dans la mesure où les compagnies ne vont pas se priver de licencier massivement dans l’attente de jours meilleurs – d’ailleurs, elles le font déjà.
Pour l’environnement ensuite, contrairement à la requête de la sainte alliance scellée entre l’Union syndicale suisse et le patronat en faveur de la reprise massive du trafic aérien [1], cette dernière est, pour le moins, peu souhaitable.

UNE CHANCE À SAISIR. Ainsi, la combinaison des crises représente aussi une chance: celle de réorienter, à travers la création d’emplois, la politique économique vers la transition écologique.
Car les savoir-faire, les compétences de ces milliers de professionnel-le-s peuvent et doivent être mis au service de la recherche technique en matière de productions non polluantes ou de la promotion des transports publics, par exemple.
Tout comme la création d’emplois et la formation dans les domaines de la santé, du care, du social, permettrait de garantir aux salarié-e-s de « vrais emplois » et de répondre aux besoins sociaux urgents de franges de plus en plus larges de la population. En parallèle, elle aurait aussi pour effet de soulager la surcharge de travail qui accable le personnel.
Dans des structures confrontées à des besoins croissants, comme l’Institution genevoise de maintien à domicile (IMAD), les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) ou le Service de protection des mineurs (SPMI) – la liste est loin d’être exhaustive –, la création de postes est même indispensable pour assurer la santé du personnel et la satisfaction des bénéficiaires.
Cette réponse aux crises en cours, aussi partielle soit-elle, est une chance à saisir. Elle aurait des conséquences bénéfiques, tant sur le volume de l’emploi que sur les conditions de travail et les prestations.

MÉTIERS POUR L’AVENIR. L’initiative offre aussi, par une politique volontariste de création d’emplois, la possibilité de développer des activités propices à la transition climatique, sous un autre angle que celui de la culpabilisation individuelle.
Ces emplois devront être créés aussi bien dans les domaines techniques et d’entretien que dans les infrastructures et le monde de l’éducation et de la culture, avec des métiers axés sur la promotion d’un développement soutenable.
Ces choix nécessaires ne tomberont pas du ciel. L’initiative est là pour les imposer. Elle peut être téléchargée sur notre site : https://geneve.ssp-vpod.ch
Le SSP vous invite chaleureusement à la signer.


LE TEXTE DE L’INITIATIVE

Art. 1A Création d’emplois (nouveau)

1 L’Etat crée des emplois favorisant la mise en œuvre des objectifs contenus dans l’Agenda 21 et ses déclinaisons, notamment le concept cantonal du développement durable 2030 et le plan climat cantonal.

2 Ces emplois sont créés dans les collectivités publiques cantonale et municipales, les établissements subventionnés et les institutions publiques et privées, à but non lucratif, poursuivant des buts d’intérêt public.

3 Ils servent notamment à améliorer la cohésion sociale, la lutte contre le changement climatique, la promotion de la santé, la prévention des maladies, les modes de consommation et de production durables.

4 L’Etat veille à ce que les emplois créés ne se substituent pas à des emplois existants.

Art. 1B Budget (nouveau)

1 L’Etat fixe chaque année le budget à disposition pour la création des emplois prévus à l’article 1A.

2 Le montant minimal alloué à la création d’emplois est fonction du taux de chômage calculé pour le canton par le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO). Il correspond au minimum à 100 millions de francs par an avec pour objectif de créer 1000 emplois supplémentaires chaque fois que le taux de chômage moyen annuel de l’année précédente est de 5%. Ce montant peut être réduit ou augmenté en proportion si le taux est inférieur ou supérieur à 5%.

Art 1C Durée du travail (nouveau)

En vue de maintenir et/ou de créer des emplois, l’Etat encourage les entreprises et les secteurs économiques publics et privés à réduire significativement la durée du travail sans réduction de salaire, de manière à atteindre en 2030 la semaine de 32 heures pour un temps complet.


[1] Le 16 avril, l’alliance « back in the air », composée d’Aerosuisse, d’economiesuisse, de l’Union patronale suisse, du syndicat de pilotes Kapers et de l’Union syndicale suisse a demandé au Conseil fédéral un rapide « retour à la normale » dans le secteur aérien.


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13.04.2021 Feuille de signature Initiative syndicale 1000 emplois PDF (484,2 kB)