Au FNS, on encourage la précarité

de: SSP Hautes écoles

Obtenir de nouvelles prolongations des contrats financées par le FNS, c’est possible (mais il faut bien chercher…)!

Le 12 mai, une délégation du Syndicat des services publics (SSP) a rencontré la direction du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS). Cette rencontre faisait suite à une lettre ouverte de notre syndicat, datée du 5 mars. Dans cette lettre, nous appelions le FNS à prolonger la durée des financements afin de tenir compte du ralentissement des activités de recherche occasionnée par la pandémie. À cette fin, le SSP avait rassemblé plusieurs témoignages montrant les difficultés rencontrées dans l’avancement des recherches, que ces difficultés soient dues à l’inaccessibilité des terrains d’études, à la fermeture des archives ou des bibliothèques ou encore à l’impossibilité d’organiser des entretiens ou des observations.

Les chercheurs et chercheuses financé·es sur projets par le FNS font face à un problème singulier: personne ne se considère comme leur employeur. Les hautes écoles dans lesquelles elles et ils travaillent et avec lesquelles ils et elles sont sous contrat les renvoient vers le FNS pour obtenir une prolongation de leur financement qui permettrait de rallonger leurs contrats, alors que ce dernier, considérant qu’il finance la recherche et non les personnes, refuse d’assumer les responsabilités qui lui incombent. Pris entre deux institutions qui ne cessent de se renvoyer la balle, les précaires du système académique font les frais de cette déresponsabilisation généralisée.

Les réponses apportées par la direction du FNS lors de la rencontre virtuelle avec le SSP ont globalement été très insatisfaisantes. Priorisant l’autocongratulation sur la remise en question, la direction de l’institut qui finance la recherche à hauteur d’un milliard de francs chaque année semble n’avoir qu’une très vague idée de comment cette dernière est effectivement réalisée et des problèmes que les chercheurs et chercheuses rencontrent concrètement. Nous l’avions déjà constaté en temps normal, c’est d’autant plus flagrant en période de pandémie.

Nous avons toutefois également obtenu quelques informations importantes, qui doivent être diffusées aussi largement que possible.

1. Prolongation des contrats

Contrairement à ce qui a été annoncé, de nouvelles demandes de prolongation de financement sont possibles, après le premier appel du printemps 2020. La direction du FNS nous a assuré qu’elle va les considérer avec bienveillance et compréhension et que pour de justes motif (dont ceux de l’articulation entre travail et charges familiales) il est possible de demander plus de deux mois, toutefois sans aucune garantie que cela soit pris en compte. Des prolongations exceptionnelles ont apparemment déjà été accordées. Il ne faut donc pas hésiter à faire une demande de cette nature, tout en demandant directement au FNS de vous indiquer les voies précises pour l’acheminer. Il peut aussi être utile de se renseigner auprès du Service égalité du FNS () pour savoir comment procéder au mieux dans toutes les situations qui relèvent des questions d’égalité (carrières féminines ou articulation travail – famille)

Nous avons également demandé à ce que le FNS se prononce sur les situations où des membres d’un projet ont besoin d’une prolongation de leur contrat alors que le ou la requérante du projet se refuse à le faire. Pareille situation doit, dans un premier temps, être traitée au sein de la haute école considérée et seulement dans un second temps par le FNS. Celui-ci entre toutefois en matière dans ces cas-là, si aucune solution entre la personne requérante et responsable du projet et/ou la haute école ne peut être trouvée.

2. Âge académique

Suite à notre demande, la direction du FNS a laissé entendre qu’il serait possible de soustraire de l’âge académique les mois de travail perdus pour la recherche lors de la pandémie, en les assimilant à une interruption de carrière. Ceci permettrait de reporter d’autant l’âge limite pour déposer des requêtes pour les instruments de soutien aux carrières que sont les programmes Postdoc.Mobility (3 ans après la thèse), Ambizione (4 ans) ou Eccellenza (8 ans), etc. Il s’agit d’une information réjouissante qu’il faut transmettre à tou·tes nos collègues potentiellement concerné·es par cette mesure.

3. Poursuite des projets

Pour le FNS, les difficultés rencontrées dans la réalisation des projets de recherche en cours ne sont pas de sa responsabilité. Il incombe aux requérant·es de transformer leur projet initial de manière à le rendre réalisable dans les circonstances actuelles. L’institution ne se soucie pas des éventuelles tensions que de telles transformations peuvent provoquer à l’intérieur d’une équipe de recherche. En effet, compte tenu de l’extrême hiérarchisation des rapports de travail dans le milieu académique, le risque existe que certaines personnes soient contraintes à prendre des décisions en leur défaveur. La question se pose en effet de savoir qui aura le mot final sur la nature de ces reconfigurations? Qu’adviendra-t-il des recherches et des matériaux déjà rassemblés? Qui pourra poursuivre le projet initial une fois que les conditions pour le faire seront à nouveau réunies?

Par ailleurs, nous ne savons pas si les projets de recherche ayant déjà obtenu un financement, mais ayant dû être abandonnés pourront à nouveau être financés lorsque les circonstances le permettront. Cette question ne semble manifestement pas prioritaire pour les instances dirigeantes du FNS, qui ont fait preuve d’un intérêt assez limité pour le contenu des recherches que l’institution finance.

4. Financements liés à la pandémie

Selon le FNS, la prolongation d’un semestre de tous les projets actuellement financés représenterait une dépense supplémentaire de 300 millions de francs. À titre de comparaison, le FNS a déboursé près de 45 millions de francs pour de nouveaux projets de recherche en lien avec la pandémie de Covid-19, alors qu’il n’a consacré que le tiers de cette somme, environ 15 millions de francs, à la prolongation des projets en cours (de deux mois seulement dans la plupart des cas).

5. Financement des thèses

Confirmant l’existence d’un biais disciplinaire, la direction du FNS est apparue persuadée que la plupart des thèses financées par l’institution l’étaient sur plusieurs projets successifs comme cela se fait dans les sciences dites dures. Or, cette pratique n’a strictement aucun sens en sciences humaines et sociales, où chaque projet a une logique propre et ne peut être, sauf à tricher avec le sens des instruments de financement (serait-ce à cela qu’appelle implicitement la direction du FNS?), prolongé par un autre projet qui emploierait les mêmes personnes.

Ce commentaire rappelle la nécessité que la direction du FNS s’informe un peu plus sérieusement de l’utilisation effective du milliard de francs qu’elle alloue chaque année et qu’elle communique plus clairement sur les petits arrangements avec ses propres règlements.

Le SSP reste à disposition pour toute question complémentaire, et vous remercie par avance de lui transmettre () les expériences heureuses et malheureuses rencontrées ces prochains mois dans vos interactions avec le FNS.