Score KO, une victoire syndicale

de: Interview Services Publics

Le Conseil d’Etat renonce à son projet de nouvelle grille salariale (Score), combattu depuis dix ans par les syndicats. Questions à David Andenmatten, militant SSP aux HUG.

Photo Eric Roset

Le projet Score est abandonné. Une bonne nouvelle ?

David Andenmatten – Une très bonne nouvelle. Le système Score avait été mis au point de manière très opaque par une entreprise privée, qui avait déjà mené à terme un projet semblable dans le canton de Vaud (Decfo-Sysrem). Nous avons d’ailleurs pu bénéficier de l’expérience de nos collègues vaudois, qui s’étaient mobilisés contre leur nouveau système salarial.
Le cœur de Score, c’était de rapprocher la grille de rémunération de la fonction publique des pratiques en vigueur dans le privé. Concrètement, cela se traduisait par une augmentation des salaires pour les plus hautes classes, une réduction au bas de l’échelle. Les inégalités auraient donc augmenté.

Peut-on parler de victoire syndicale ?

Oui. La décision du Conseil d’Etat d’abandonner ce projet est le fruit de dix années de résistances syndicales.
L’exécutif s’est rendu compte que l’opposition à ce projet allait crescendo. Depuis quelques semaines, une pétition contre Score circulait parmi le personnel de la santé et du social. Même les cadres intermédiaires ont pris position contre le projet. La prise de conscience a été progressive, car le Conseil d’Etat avait fait une forte publicité au projet, affirmant qu’une majorité de salarié-e-s en sortirait gagnante du projet.
Je pense que la votation populaire que nous avons gagnée sur la Caisse de pension de la fonction publique genevoise (CPEG) a aussi joué. Le Conseil d’Etat a pris conscience que nous pourrions aussi remporter une votation sur la grille salariale, s’il tentait le passage en force.
Le retrait de Score est une victoire très importante, car il aurait impacté l’ensemble de la fonction publique et parapublique genevoise. Nous avons ainsi évité une baisse des salaires pour un nombre élevé de salarié-e-s !

Quelles auraient été les conséquences de Score sur le personnel des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) ?

Le secteur hospitalier aurait été touché de plein fouet par la nouvelle grille de rémunération. Par exemple, les nettoyeurs auraient perdu 194 000 francs sur une vie de travail !
Score prévoyait aussi une forte baisse des indemnités – perçues en cas de travail de nuit, le week-end et les jours fériés, ou pour certaines pénibilités particulières. En conséquence, une grande majorité des soignant-e-s auraient perdu au change. Alors que Score prévoyait de maintenir l’indemnité de 36 000 francs par an pour les chefs des départements médicaux !
Nous avons tenté de décortiquer et expliquer les conséquences de la nouvelle grille salariale au personnel hospitalier. Ce n’était pas un défi facile, car la direction menait en parallèle une opération de marketing, tentant de faire passer le projet pour une grande avancée.

Comment la résistance s’est-elle organisée ?

C’est le personnel le plus touché, celui du nettoyage, qui a été à la pointe du combat contre Score. Nous avons d’abord dénoncé les baisses de salaires prévues pour certaines catégories en diffusant un tract. Celui-ci a fait l’effet d’une bombe, et nous a valu de lourdes attaques: la direction des HUG et le Conseil d’Etat nous ont dénoncés pour avoir violé la confidentialité des négociations. Or la raison d’être d’un syndicat est d’informer les salarié-e-s quand de tels enjeux sont en discussion, pas de se réunir dans leur dos !
En 2011, les nettoyeurs des HUG ont mené une grève victorieuse. Ils y ont, entre autres, gagné le droit de réaliser des assemblées générales sur leur lieu de travail. Nous avons donc utilisé cette possibilité pour nous organiser contre Score. Nous avons tenu plusieurs assemblées sur le thème et adopté des résolutions dénonçant la nouvelle grille salariale et ses conséquences catastrophiques pour le personnel. Nous avons même menacé de faire grève contre Score, en raison des baisses de salaires en jeu.
Il faut cependant souligner que la victoire contre le projet Score est le fruit d’une résistance d’ensemble des syndicats et du personnel concerné par la nouvelle grille des salaires : enseignant-e-s, administration, social, etc.

Et maintenant ?

Le Conseil d’Etat a annoncé qu’il voulait se pencher sur un autre projet de grille salariale, de manière paritaire. Une première discussion était prévue avec les syndicats et les représentant-e-s du personnel le 26 mars, mais elle a été annulée. Le SSP a décidé de demander au Cartel de refuser toute confidentialité dans ces négociations. Contrairement à ce qui s’est passé pour Score, les discussions doivent être menées de manière transparente.