Avec la bénédiction de la droite libérale, le Conseil d'Etat envisage de s'attaquer au salaire. Pour la droite, un vieux rêve pourrait se réaliser si le personnel ne se mobilise pas rapidement.
Baisse de salaire
Il y a quelques semaines, le premier projet du gouvernement prévoyait cinq mesures : la suspension de l’annuité durant quatre ans ; le blocage total des engagements ; une diminution des salaires de 1, 92 % en échange d’une semaine de « vacances » obligatoire ; la non-indexation des salaires durant quatre ans ; la réévaluation à la hausse de la participation des employé-e-s à la caisse de pension.
Écran de fumée
On notera au passage le fumigène trouvé par le gouvernement : pour faire passer la baisse de salaire, il oblige le personnel à prendre une semaine de vacances obligatoire. C’est ce que le ministre Vert, Antonio Hodgers, a appelé la « revalorisation du temps libre ». En vérité, il s’agira de congés non-payés.
Le choix de s'attaquer aux salaires est un non-sens, puisqu’il impacte directement le pouvoir d’achat d’une partie de la population. Alors que de nombreuses familles ont vu leurs revenus baissés en raison du chômage partiel, on leur replonge la tête sous l’eau au nom de la « symétrie des sacrifices ». En arrière-plan, on retrouve la rengaine présentant les fonctionnaires comme des « privilégié-e-s ».
Qui sont les privilégié-e-s ?
Ce discours est d’autant plus nauséabond que ces « privilégié-e-s » sont resté-e-s au front pendant la pandémie pour assurer les prestations, notamment sanitaires et sociales, au risque de leur santé et de celle de leurs proches. En matière de privilèges, c’est plutôt un membre du gouvernement genevois qui en connaît un rayon : voyages de luxe, utilisation de fonds publics pour de petites sauteries, mensonges à la justice et à la population tout en continuant à toucher un salaire de ministre (c'est le cas de le dire) et une future pension de retraite fort conséquente pour diriger une start-up gouvernementale de quelques dizaines de personnes...
Mercredi dernier, le gouvernement, a modifié sa copie. Il envisage désormais une baisse de salaire de 1% pour l’ensemble des employé-e-s de l’Etat. Les autres mesures seraient maintenues hormis l’annuité, octroyée une année sur deux et la semaine de « vacances ». Le Conseil d’Etat reste donc déterminé à faire payer au personnel le milliard de déficit qui s'annonce. L’exécutif est pourtant largement responsable de la situation.
Donner aux actionnaires, voler les infirmières
La situation financière du canton s’est dégradée pour deux raisons : d’abord la réforme sur l’imposition des entreprises (RFFA). Voté en 2019, il s’agit d’un formidable cadeau aux riches. Conséquence : des centaines de millions manquent aujourd’hui pour financer les écoles, les hôpitaux, les foyers sociaux-éducatifs, etc. Or, c’est l'actuel gouvernement qui a fait passer cette arme de destruction massive du service public.
Ensuite, l'impact du virus sur les finances est incontestable. Or, le gouvernement peut trouver les centaines de millions qui manquent. Il doit augmenter l’imposition des très hauts revenus ou suspendre certaines exonérations octroyées aux plus riches. Car une sortie solidaire de la crise est nécessaire. Alors que les indices boursiers battent des records historiques, on est légitimement en droit d’exiger que certain-e-s mettent (enfin) la main au porte-monnaie.
Briser le tabou de la dette
Deuxième option pour contrer les conséquences économiques du virus : le recours à la dette. Certes, le montant de la dette interpelle (environ 12 milliards de francs en 2018). Or, il faut toujours de ramener le taux d'endettement à la richesse produite, mesurée par le Produit intérieur brut (PIB). Ainsi, à l'échelle internationale, le canton de Genève (tout comme la Suisse) est dans une situation très enviable. Le taux d'endettement s’y monte à 23 % du PIB. À titre de comparaison, ce taux se situe à 62% en Allemagne, première puissance économique européenne, 62% au Royaume Uni, 99% en France. On est loin du scénario apocalyptique présenté par la droite – selon laquelle les finances publiques seraient grevées d'une « dette colossale ».
Préparer la grève
Le choix du gouvernement de taper sur les salaires n'est donc pas de nature économique, mais politique. Le Conseil d’Etat profite de la crise financière, qu’il a largement contribué à créer, pour passer à l'offensive contre la fonction publique. Pour contrer ces sinistres projets, le personnel n'a qu'une option : préparer la mobilisation et la grève. Comme lors des mobilisations victorieuses de 2015.