HUG - Virée à la première embauche

de: Interview Services Publics

Sur fond de privatisation, le personnel est confronté à des méthodes de gestion toujours plus autoritaires. Questions à David Andenmatten, syndicaliste à l’hôpital.

Photo Sudok1

En trois mois, la direction des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) a tenté de licencier trois infirmières en premier emploi. Comme le souligne David Andenmatten, les méthodes de gestion brutales mises sur pied par les HUG visent la rentabilité financière plutôt que la qualité des soins. Elles doivent être remises dans le contexte de la privatisation à l’œuvre au sein de l’établissement public. Ce dernier s’est traduit récemment par l’annonce de la création d’un centre de chirurgie ambulatoire géré via un partenariat entre les HUG et la clinique privée Hirslanden, dès 2024 (lire en page 6). Selon Gilles Rufenacht, dirigeant de la clinique des Grangettes, qui a fusionné en 2018 avec Hirslanden Clinique La Colline, la collaboration entre les HUG et le plus grand groupe de cliniques privées en Suisse est appelée à s’étendre, notamment avec la mise sur pied d’un « réseau d’urgences pédiatriques, toujours dans un état d’esprit d’unir les communautés médicales publiques et privées afin de maîtriser les coûts » [1].

Le SSP dénonce la menace de licenciement qui pèse sur Roxane, une soignante sortant de l’école…

David Andenmatten– Roxane * a conclu sa formation il y a quelques mois. En juillet dernier, cette jeune infirmière a été engagée aux HUG avec un contrat de durée indéterminé. Les quatre premiers mois, elle a dû effectuer un remplacement dans un service spécialisé qui exige des connaissances en orthopédie et gériatrie. Selon les directives de l’hôpital, Roxane aurait dû être accompagnée durant les 20 premiers jours de son remplacement. Elle ne l’a été que sept jours, après lesquels elle a dû assumer une charge de travail et des responsabilités énormes: prise en charge, seule, de 12 patient-e-s souffrant de pathologies complexes, travail de nuit sans soutien, etc.
Ce contexte l’a amenée à faire quelques erreurs, qui n’ont pas eu de conséquences graves. Celles-ci ont cependant amené l’Infirmière cheffe de service à décréter, lors de son évaluation, que les prestations de Roxane étaient insuffisantes. À la suite de cela, le responsable des ressources humaines lui a demandé de démissionner. Roxane a refusé, mais la direction veut maintenant la licencier. Soutenue par le SSP, elle se bat contre cette décision scandaleuse.

Comment expliquer la répétition de tels cas ?

Le service dans lequel Roxane effectue son remplacement est en sous-effectif; le taux d’absence y est de 11%. Ce n’est pas une exception. Aux HUG, la quasi-totalité des services de soins sont confrontés à des conditions de travail terribles. C’est la conséquence de la politique des HUG, qui vise à faire des bénéfices – comme l’a reconnu le directeur, Bertrand Levrat. Pour y arriver, l’hôpital fonctionne à flux tendu, avec un minimum d’engagement fixes et un recours massif aux intérimaires. En conséquence, les salarié-e-s s’épuisent et tombent malades. Le savoir-faire des équipes se perd. Parfois, les collègues expérimenté-e-s n’ont même plus le temps de répondre aux infirmiers/-ères en formation, qui sont livré-e-s à eux/elles-mêmes. Et quand un problème se pose, on les en rend responsables.
Cette évolution met en danger la qualité des soins, mais aussi l’avenir de la profession: les futur-e-s professionnel-le-s ne sont plus formé-e-s correctement, voire dégoûté-e-s du métier !

Que faire face à cette évolution ?

D’abord, il faut se battre pour éviter chaque licenciement injustifié, comme nous le faisons avec Roxane.
Ensuite, le personnel soignant doit s’organiser contre la dégradation de ses conditions de travail. Sinon, cela ira de mal en pis. Le budget 2020 de l’hôpital ne prévoit aucun nouveau poste, il a même été un peu raboté !
Quand nous menons des batailles, elles sont souvent victorieuses, car la population nous soutient. Cela a été le cas lorsque nous nous sommes opposé-e-s à la fermeture de l’équipe du pool, ou quand le personnel des urgences pédiatriques a arraché de nouveaux postes. Il faut étendre aujourd’hui ces expériences de lutte à l’ensemble des services !

*prénom fictif

Nous vous invitons à signer et faire signer la pétition de soutien à Roxane, cette jeune infirmière primo emploi menacée de licenciement par les HUG: http://geneve.ssp-vpod.ch/sauver-roxane


[1]Bilan, 29 octobre 2019.