EMS - Le feuilleton des externalisations rebondit

de: Interview Services Publics

Une décision de justice remet en cause l’interdiction de la sous-traitance dans les EMS. Fruit d’une grève victorieuse, la mesure est contestée par les sociétés privées de nettoyage. Le Grand Conseil devrait trancher.

Photo: Eric Roset

Les pratiques d’externalisation au sein des Etablissements médico-sociaux genevois reviennent sur le tapis.

La Chambre constitutionnelle a en effet annulé un point du Règlement d’application de la loi sur la gestion des établissements pour personnes âgées (RGEPA), modifié en 2018 par le Conseil d’Etat. Un point qui fait toute la différence: suite à une grève, l’exécutif avait décidé de limiter drastiquement la sous-traitance au sein des EMS. Une décision contestée en justice par l'association genevoise des entrepreneurs en nettoyage et de services (Agens) – qui regroupe les principales sociétés du secteur, dont certaines ont défrayé la rubrique syndicale, comme Onet ou ISS Facility Services.

L’Agens dénonce le règlement modifié du Conseil d’Etat comme discriminatoire, invoquant que les EMS pourront continuer d'externaliser la restauration et le traitement du linge, mais pas les tâches de nettoyage. Questions à Sabine Furrer, secrétaire syndicale SSP.

L’interdiction des externalisations dans les EMS a couronné une dure bataille syndicale…

Sabine Furrer– Tout a commencé en octobre 2017, lorsque les employé-e-s du service hôtelier – femmes de chambre, nettoyeuses, employé-e-s de cafétéria et lingères – des Résidences Notre-Dame et Plantamour se sont mis en grève. Ils et elles s’opposaient à l’externalisation de leurs tâches, décidée par la direction. Après onze jours de grève, suivis par des débrayages solidaires dans d’autres EMS et une pétition de soutien largement signée, le personnel a obtenu gain de cause. Les deux établissements ont renoncé à la privatisation annoncée.
L’effet de la grève est allé au-delà. Un groupe de travail a été mis sur pied, réunissant le Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, chapeauté par Mauro Poggia, les syndicats ainsi que les organisations faîtières des EMS dans le canton (Fegems et Agems). L’objectif était de trouver une solution à la problématique des externalisations dans le secteur. Les discussions ont débouché sur une limitation stricte, ratifiée le 1er mars 2018 par le gouvernement sous la forme de cette fameuse modification d’un article du RGEPA. Dorénavant, seuls la confection des repas et le travail de buanderie – mais pas pour les vêtements des résident-e-s – peuvent être externalisés, le reste est interdit. Les EMS ayant déjà sous-traité des tâches de nettoyage ont reçu un délai pour les réintégrer à leurs activités.
Cette décision était une victoire syndicale. Les patrons des sociétés privées de nettoyage, inquiets pour leurs parts de marché, ont immédiatement tenté de la contrecarrer. Ils redoutent un précédent, notamment en matière de réinternalisation. C’est pour cela qu’ils ont contesté la décision du Conseil d’Etat.

Ces sociétés privées engrangent donc une victoire d’étape ?

L’arrêt de la Chambre constitutionnelle leur donne satisfaction. Mais cette décision ne porte pas sur le fond de l’affaire. La Chambre indique simplement que la modification introduite par le Conseil d’Etat ne peut être le fait d’un règlement, mais devrait figurer dans une loi. Réagissant à cette décision, M. Poggia a d’ailleurs annoncé dans la presse qu’un projet de loi allant dans le même sens que l’article incriminé sera déposé rapidement. La bataille contre les externalisations va donc se poursuivre au Grand Conseil. Du côté syndical, nous devrons maintenir la pression pour que l’interdiction soit confirmée.

À Genève, les luttes contre les externalisations se succèdent…

Les externalisations de pans du service public ou parapublic font partie des stratégies utilisées par les autorités politiques. L’objectif est de réaliser les économies qui permettent d’offrir des cadeaux fiscaux pour les riches et les grandes entreprises. Les effets sociaux sont désastreux.
Pour les salarié-e-s, sous-traitance rime avec dumping. Rappelons que le salaire minimum est de 4029 francs par mois dans la CCT des EMS, contre 3417 francs dans celle de l’hôtellerie-restauration, appliquée au personnel hôtelier externalisé…
La grève des salariés d’Onet, à la Municipalité de Genève, est le plus récent exemple des conditions déplorables appliquées par les sociétés privées de nettoyage.
Pour les usagers/-ères, la sous-traitance entraîne aussi une péjoration de la qualité des prestations et du lien avec le personnel. La combattre doit être une priorité syndicale. C’est dans ce sens que nous continuons notre lutte pour la réinternalisation du nettoyage des bâtiments publics dans le canton.