« Urgences saturées, vos enfants sont en danger ! »
Jeudi 14 février, une trentaine de soignants du Service d’accueil et d’urgences pédiatriques (SAUP) des HUG se sont mobilisés devant leur service. Soutenus par le SSP, ils revendiquent l’engagement de personnel fixe pour pallier un grave sous-effectif. Bernadette, soignante aux urgences pédiatriques, a répondu à nos questions.
Pourquoi cette manifestation ?
Bernadette– Ces dernières années, le Service d’urgences pédiatriques a connu une augmentation, tant du nombre des consultations que des soins prodigués – examens, interventions chirurgicales complexes, etc. Cela afin d’éviter des hospitalisations. Conséquence: letaux d’activité a augmenté de 36% depuis 2010. En parallèle, le nombre d’équivalents plein temps a diminué de 15% !
Cela fait déjà deux ans que nous tirons la sonnette d’alarme. Un audit, réalisé au mois de février 2017, a confirmé les problèmes, qui pourraient être améliorés en engageant du personnel. Mais depuis, rien n’a bougé. Notre hiérarchie a fait une demande d’engagement pour notre service, transmise en juillet à la direction générale des HUG. Cette demande, insuffisante à nos yeux, n’a pas été prise en considération.
Finalement, la direction a renforcé notre équipe au cours de l’hiver. Mais il s’agit de seulement quatre postes, pour une durée limitée à quatre mois. Or nous avons besoin de postes fixes, pas de solutions temporaires !
Quelles sont les conséquences de ce sous-effectif ?
L’hiver dernier, toute notre équipe s’est retrouvée en burn-out. Alors que nous sommes normalement très unis, les tensions ont divisé l’équipe. L’épuisement et la frustration – due à l’impossibilité, par manque de temps, de développer l’aspect relationnel de notre métier, pourtant essentiel – étaient tels que des soignants partaient en pleurant du service.
Nous sommes aussi préoccupés par la qualité des soins. Plus de 55 intérimaires différentes ont défilé dans notre service l’année dernière. Ces soignantes donnent beaucoup d’elles-mêmes. Mais elles n’ont pas la même expérience et expertise que nous – aux urgences pédiatriques, le personnel doit avoir une double spécialisation. Normalement, en cas de nouvel engagement, une année de supervision est nécessaire. Mais nous – le personnel formé et expérimenté – n’avons plus le temps de superviser correctement les nouveaux venus. Ces intérimaires travaillent donc dans une insécurité totale. Conséquence: des situations ont presque viré à la catastrophe. C’est très décourageant pour ces temporaires, qui repartent rapidement.
Nous travaillons dans de très mauvaises conditions. Souvent, nous ne pouvons pas prendre nos pauses.
Comment réagissent les patients ?
Le week-end dernier, nous avons eu plus de 160 consultations. Le temps d’attente était, en moyenne, de six heures. Pour des enfants, ce n’est pas gérable.
Certains parents se rendent compte des problèmes – y compris, parfois, au niveau de la prise en charge soignante, en raison du manque d’expérience des intérimaires.
À cause de ces dysfonctionnements, nous subissons parfois des violences verbales. Dans certains cas, cela pourrait même dégénérer en violences physiques, s’il n’y avait pas le service de sécurité des HUG.
La direction de l’hôpital affirme qu’elle prend vos demandes au sérieux. Qu’en est-il concrètement ?
La direction affirme qu’elle a engagé plusieurs postes dans le service de pédiatrie. Mais il s’agit de CDD, alors que nous avons besoin d’effectifs fixes. Concrètement, nous demandons huit postes d’infirmiers-ères, six postes d’ASSC et six postes d’aides-soignant-e-s. C’est ce qui serait nécessaire au bon fonctionnement du service.
Nous demandons aussi, depuis plusieurs mois, une rencontre avec le directeur des HUG, M. Levrat, pour pouvoir négocier directement avec lui. On nous répond que la direction étudie la situation. Mais nous aimerions être entendus et considérés !
Si la direction ne nous donne pas de réponse positive, nous continuerons notre mouvement.
Contexte
MESURES DE LUTTE DÈS LE 2 MARS ?
Au cours d’une assemblée tenue après la manifestation du 14 février, le personnel a adopté une résolution. Dans ce texte, les soignants « dénoncent à la population la dégradation de leurs conditions de travail et la mise en danger de la vie des enfant ».
Ils mettent le doigt sur la « situation catastrophique du service des urgences pour les enfants » et les conséquences « désastreuses » pour le personnel : « taux d’absence de 12%, épuisement professionnel, stress, impossibilité de prendre les pauses, tensions entre soignants et avec les médecins, insécurité des soins, baisse de qualité des soins ».
Le personnel dénonce aussi le non-respect des délais de prise en charge annoncés, entraînant une mise en danger de la vie des enfants, ainsi que le refus répété de toute négociation avec le personnel de la part du directeur des HUG – ceci en dépit de ses nombreuses affirmations publiques vantant son attachement au partenariat social et au dialogue avec les syndicats.
Face à ce constat, le personnel du SAUP réitère sa demande « d’un renforcement de l’équipe de manière durable par du personnel fixe »: huit postes d’infirmiers-ères, six postes d’ASSC et six postes d’aide-soignant-e-s. Il maintient aussi son exigence d’ouverture de négociations avec la direction, fixant à cette dernière un délai au 1ermars 2019.
Si la direction des HUG campe sur son refus de négocier, les soignants sont prêts à déclencher des mesures de lutte à partir du 2 mars 2019.
La résolution a été transmise le 15 février à la direction des HUG. Affaire à suivre !
[Article paru dans Services Publics no 3 du 22 février 2019]