Peux-tu nous résumer l’imbroglio qui entoure le futur de la CPEG depuis la dernière session du Grand Conseil ?
Albert Anor – Le 14 décembre dernier, le Grand Conseil a adopté deux projets de loi incompatibles portant sur la Caisse de pensions de l’Etat de Genève (CPEG). Les deux textes ont été publiés dans la Feuille officielle le 4 janvier.
Le projet de loi (PL) 12 228, était porté par les partis de gauche, l’Asloca et les syndicats et a été accepté par les votes de la gauche et du MCG. Le PL 12 404 a été déposé par le Conseil d’Etat et accepté par les députés de droite – sauf le MCG. C’est l’inconsistance des députés Verts – qui ont voté favorablement au PL 12 228, mais se sont abstenus sur le PL 14 204, qui a mené à cet imbroglio.
Le président du Conseil d’Etat, M. Antonio Hodgers, a pourtant reconnu que ses services juridiques l’avaient averti que le maintien du PL 12 404 en cas d’adoption du 12 228 provoquerait une confusion juridique majeure. En maintenant son projet, le Conseil d’Etat a donc pris la responsabilité de la situation actuelle.
Quelles sont les raisons qui ont amené le Cartel à lancer le référendum?
Le PL 12 228, combinant recapitalisation de la CPEG et création de logements abordables, garantit le niveau des retraites versées par la caisse et maintient la primauté des prestations. Alors que le PL 12 404 entraînerait une baisse des rentes et les livrerait à l’instabilité des marchés financiers en supprimant la primauté des cotisations. Avant Noël, le comité du PDC avait annoncé son intention de combattre le PL12 228 par référendum. Mais c’est finalement le PLR qui a lancé le référendum contre le PL 12 228. Il sera soutenu par l’ensemble de la droite – sauf le MCG.
Le PLR ayant lancé le référendum contre le PL 12 228, le danger était grand que le Conseil d’Etat promulgue le PL 12 4040. Pour l’éviter, le référendum était indispensable. C’est ce qu’a décidé, à l’unanimité, le comité du Cartel intersyndical de la fonction publique du 10 janvier. Lancé par le Cartel, le référendum contre le PL 12 404 est aussi soutenu par l’Asloca, le PS, EàG et le MCG.
Nous sommes donc partis pour la récolte de près de 6000 signatures – le SSP s’est fixé un quota de 1000 paraphes. Le délai référendaire court jusqu’au 13 février.
Quels sont les scénarios possibles suite à ce double référendum ?
En cas d’aboutissement de notre référendum, de celui de la droite, ou des deux, la votation sur le sujet aura lieu le 19 mai. Nous allons bien sûr nous battre pour faire aboutir le référendum, puis faire passer le PL 12 228 en votation populaire.
Si aucun des deux référendums n’aboutit, le Conseil d’Etat a annoncé sa volonté de promulguer le PL 12 404. Cette éventualité nous conduirait à revenir sur le terrain strictement syndical pour mobiliser les salarié-e-s contre une telle décision.
Qu’en est-il des mesures structurelles annoncées par le comité de la CPEG ?
En cas d’absence de solution politique, ce comité a annoncé des mesures structurelles, qui s’appliqueraient dès la mi-juin. Ces mesures, brutales, se traduiraient par une baisse de 10% des rentes.
Nous devons donc éviter un double risque: d’une part, au cas où le référendum du PLR aboutirait et que le peuple refuserait le PL 12 228; de l’autre, dans le scénario d’un double « pat » le 19 mai (double Oui ou double NON). Ces deux éventualités entraîneraient une poursuite du blocage – et donc l’application des mesures structurelles.
Pour éviter ce danger, les groupes parlementaires du PS, d’EàG et du MCG proposeront au Grand Conseil, le 24 janvier prochain, d’abroger le PL 12 404 puis de le redéposer sous la forme d’un nouveau projet de loi. Ce nouveau projet serait automatiquement renvoyé en commission – ce qui permettrait, en cas de refus du PL 12 228 ou de « pat » le 19 mai, d’avoir un filet de sauvetage et d’éviter l’application des mesures structurelles décidées par le comité de la CPEG.
Il est clair que si le Parlement décidait d’abroger le PL 12 404, notre référendum deviendrait caduc. Mais ce résultat, qui dépendra à nouveau du vote des députés Verts, est loin d’être garanti.
Nous devons donc, dès aujourd’hui, nous mettre à pied d’œuvre pour récolter les signatures nécessaires !
Repérage
DEUX PROJETS DE LOI CONTRADICTOIRES
Le 14 décembre, le Grand Conseil devait trancher entre deux projets de loi antagoniques portant sur la Caisse de pensions de l’Etat de Genève (CPEG).
À ma gauche, le PL 12 228. Déposé par le Parti socialiste (PS), les Verts, Ensemble à Gauche (EàG) et le MCG, le il l’essentiel de l’initiative 168 lancée par l’Asloca et le Cartel en septembre 2017, validée avec plus de 11 000 signatures. Le PL 12 228 prévoit le maintien de la primauté des prestations de retraite au niveau du 1erjanvier 2018, sans augmentation des cotisations pour les salariés. En parallèle, il prévoit une recapitalisation de la caisse à hauteur de 4,2 milliards de francs, via la cession par l’Etat à la CPEG de terrains à bâtir du PAV (Praille-Acacias-Vernets) dans le but d’y créer des logements à loyer abordable. Le 14 décembre, le PL 12 228 a été accepté par une majorité absolue du Parlement genevois formée du PS, des Verts, d’EàG et du MCG.
À ma droite, le PL 12 404. Déposé par le Conseil d’Etat, le PL 12 404 prévoit: le passage d’un système de calcul des rentes basé sur la primauté de prestations à la primauté des cotisations; une baisse des rentes (au maximum 5%); l’augmentation des contributions payés par les salariés; un désengagement partiel de l’Etat du financement de la caisse. En parallèle, le Conseil d’Etat prévoit lui aussi une recapitalisation de la CPEG à hauteur de 4,2 milliards de francs, selon un mécanisme de prêt simultané. Le PL 12 404 a lui aussi été accepté le 14 décembre par le Grand Conseil, par une majorité relative formée des troupes de l’Entente (PLR et PDC) et de l’UDC. Cette majorité relative a été permise par l’abstention des députés Verts.
L’acceptation de ces deux projets concurrents ouvre une période d’incertitude sur l’avenir des retraites de la fonction publique et parapublique genevoise.